Harcèlement moral : Attention à la dégradation des conditions de travail
8 mars 2016 - 6 minutes readLes obligations de l’employeur en matière de sécurité et de protection de la santé de ses salariés sont très étendues, et ne cessent de s’accroitre au travers des derniers arrêts de jurisprudence.
L’employeur doit à la fois prendre les mesures nécessaires à la prévention des risques professionnels, informer et former ses salariés, et respecter les règles de sécurité.
Ses obligations ne se limitent pas à la prévention des maladies professionnelles et accidents du travail, elles concernent également tous les risques auxquels sont susceptibles d’être exposés les salariés, y compris les risques psychosociaux.
De surcroit, son obligation ne se limite pas à une obligation de moyen en la matière, il s’agit bien d’une obligation de résultat.
Dans le cadre de son obligation, l’employeur doit prendre un certain nombre de mesures tels que :
- conduire des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
- mener des actions d’information et de formation de ses salariés sur la santé et la sécurité,
- mettre en place une organisation et des moyens de travail adaptés
Si le salarié estime, pour des raisons objectives, que son travail présente un danger grave ou imminent pour sa vie ou sa santé, il dispose d’un droit d’alerte ou d’un droit de retrait.
Dans un premier arrêt en date du 7 janvier 2015 (n° 13-17602), la Cour de cassation (Chambre Sociale) vient de préciser la responsabilité de l’employeur en la matière.
En l’espèce, la Médecine du travail avait rendu un avis préconisant l’adaptation du poste du salarié pour lui retirer le port de charges lourdes.
L’employeur n’avait pas procédé aux aménagements préconisés par la médecine du travail, et la salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, et saisi les prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de Cassation a ainsi donné raison à la Cour d’Appel qui avait précisé :
« …. que l’attitude réitérée de l’employeur ayant entraîné la dégradation des conditions de travail de la salariée par le refus d’adapter son poste de travail et le fait de lui confier de manière habituelle une tâche dépassant ses capacités, mettait en jeu sa santé, la cour d’appel a caractérisé un harcèlement moral ».
Les manquements de l’employeur à son devoir de sécurité sont donc constitutifs de faits de harcèlement moral, ayant autorisé le salarié à prendre acte de la rupture de son contrat de travail, et à demander sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans un second arrêt, en date du 15 janvier 2015, La Cour de Cassation a précisé l’obligation de résultat qui s’impose à l’employeur.
En l’espèce, une salariée, victime d’une agression sexuelle sur le lieu de travail, avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, aux torts de l’employeur, pour ne pas avoir rempli ses obligations de sécurité.
La Cour d’Appel avait estimé que la rupture du contrat de travail être assimilée à une démission, dans la mesure où la salariée n’avait pas alerté son employeur, de ce fait, elle ne pouvait reprocher à son employeur ne pas avoir anticipé un risque de nouvelle agression.
La Cour de Cassation, contrairement à la Cour d’Appel, précise:
« ….que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime, sur le lieu de travail, de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements, et qu’il lui appartenait d’apprécier si ce manquement de l’employeur était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés »
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation précise l’étendue de l’obligation de l’employeur, qui n’est pas une obligation de moyen, mais bien une obligation de résultat.